Le présent document est la seconde déclaration publique individuelle de Franciscans International (FI), relative à la pandémie COVID-19. La première, publiée le 4 avril 2020, transmettait, à partir d’une perspective des droits de l’homme, les informations et préoccupations sérieuses que nos partenaires franciscains et autres, basés dans divers pays, nous ont fait parvenir. Elle a été suivie par une série de déclarations collectives auxquelles FI a contribué, et que FI a soutenues et promues. FI publiera des déclarations supplémentaires à mesure que la situation évolue et que les informations de notre reseau nous parviennent.
Genève/New York, 27 avril 2020
Presque un mois s’est écoulé depuis la première déclaration de FI relative à la COVID-19 et aux réponses à la pandémie, examinées depuis une perspective de droits de l’homme.
Les membres de la Famille Franciscaine, ainsi que d’autres partenaires du réseau de FI travaillant au niveau local de part le monde, continuent à être les témoins de, et à soutenir la lutte de la population contre le virus et, plus encore, leur lutte contre les terribles effets que de nombreux Etats font peser sur les populations et sur la planète en raison des actions et omissions comprises dans leur réponse à la pandémie.
FI reste dévoué à poursuivre son travail consistant à réunir les informations reçues par le biais des franciscains et de ses autres partenaires. À travers cette seconde déclaration, FI étudie également cette crise à travers le prisme de certaines préoccupations fondamentales qu’elle soulève, et appelle à agir en conséquence. Ces demandes sont principalement adressées aux organes et experts des Nations Unies, ainsi qu’au Conseil des Droits de l’Homme, lequel organisera sa prochaine reunion virtuelle le 30 avril 2020: une conversation informelle avec plusieurs experts indépendants chargés d’examiner des questions spécifiques en matière de droits de l’homme, relativement à certains pays ou questions thématiques. Ces experts, les Rapporteurs Spéciaux, ainsi que les membres des Groupes de Travail de l’ONU ont publié, à propos de la crise, des déclarations collectives et individuelles, analyses, et conseils utiles aux Etats. La réponse mondiale, cependant, ne concorde pas avec l’ampleur du problème.
À cet égard, le problème transversal que nous avions souligné dans notre première déclaration, et qui a également été fortement exprimé aux plus hauts niveaux de l’ONU, est l’immense défi pour la gouvernance mondiale et l’état de droit que cette crise représente. La Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, Michelle Bachelet, s’est exprimée le 9 avril 2020 au cours d’une reunion virtuelle avec le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU sur ce « test colossal de leadership ». Nous ne pouvons nous empêcher de noter que cette crise se produit alors que nous célébrons le 75ème anniversaire de la Charte des Nations Unies – un élément essentiel du multilatéralisme, de la coopération internationale et du respect pour les droits de l’homme.
En ayant à l’esprit l’importance des ces 75 années de multilatéralisme depuis la Seconde Guerre Mondiale, il est encore plus clair que la pandémie COVID-19 nous place à un carrefour : soit nous apprenons de la crise et y répondons en apportant des changements systémiques aux problems structurels que la pandémie expose, soit nous revenons à la routine habituelle, au ‘business as usual’, dès que nous le pouvons et dissimulons ces problèmes jusqu’à la prochaine crise.
FI souligne deux problèmes principaux qui illustrent la nécessité d’une gouvernance mondiale, de coopération internationale et de solidarité, d’actions concertées et cohérentes, et de changements systémiques : les liens entre la COVID-19 et la pauvreté, la COVID-19 et la justice environnementale, ainsi que leur interconnexion.
La COVID-19 et la pauvreté
De différentes manières, la pandémie COVID-19 a agit en tant que loupe sur les problèmes structurels de droits de l’homme. Comme l’a déclaré la Haute-Commissaire des Nations Unies sur les Droits de l’Homme : « Aucun pays n’était préparé à un tel choc, qui, dans chaque État, a été aggravé par les inégalités, en particulier concernant l’accès aux services de santé, à la protection sociale et aux services
publics. »
Bien que nous ne voulons pas nier la gravité des conséquences directes de la COVID-19 sur la santé et la vie, nous souhaitons souligner la situation des victimes ‘indirectes’ du virus : celles qui ne vont peut-être pas mourir des suites du virus, mais plutôt en raison de l’impact des politiques étatiques qui sont au mieux incapable de les atteindre et, au pire, les prennent directement pour cibles et aboutissent à leur mort.
Un exemple est présenté dans une déclaration récente de deux Rapporteurs Spéciaux, qui dénoncent les politiques économiques et sociales irresponsables du Brésil dans sa réponse à la crise, mettant ainsi des « vies en danger ». La situation décrite par les partenaires de FI aux Philippines est également particulièrement révélatrice.
Le gouvernement des Philippines a décidé de fournir une aide d’urgence en espèce à 18 million de familles, par le biais du Département de la Protection Sociale et du Développement (DSWD en anglais), afin de les soutenir pendant la pandémie COVID-19. Toutefois, plusieurs allégations ont été avancées à propos du manque de transparence dans la distribution de ces fonds. FI a reçu des informations selon lesquelles la distribution est basée sur le dernier recensement, conduit en 2015, bien que la population ait augmentée depuis. En conséquence de nombreuses personnes, et en particulier les personnes pauvres et sans-abris, ne sont pas enregistrées et ne pourront donc pas recevoir d’aide financière. Un autre problème qui a été porté à l’attention de FI est l’allégation de distribution discriminatoire et arbitraire d’aide publique par certains chefs de communauté (Barangay Kapitan) qui ont exclu plusieurs familles de ces distributions.
La crise sanitaire actuelle frappe plus fortement les pauvres et révèle les profondes inégalités en matière d’accès à la nourriture, aux refuges, et aux services de santé et aggrave les problèmes de droits de l’homme existant aux Philippines, y compris ceux qui résultent de l’actuelle ‘guerre contre la drogue’. Bien qu’il puisse être considéré nécessaire de mettre en place un confinement pour ralentir la propagation du coronavirus, le gouvernement n’a pas pris les mesures suffisantes pour atténuer son impact sur les pauvres. Cela a particulièrement affecté les personnes vivant dans les quartiers pauvres, bidonvilles, ou qui sont sans-abris, qui ne peuvent travailler et gagner de l’argent pour acheter de la nourriture, et qui sont parfois exclues de la liste de bénéficiaires à l’assistance gouvernementale.
En conséquence, les plus pauvres font également partie des personnes les plus sévèrement touchées par la pandémie. Les organisations non-gouvernementales, institutions ecclésiastiques, groupes de la société civile, et initiatives privées sont intervenus pour aider les gens à satisfaire leurs besoins fondamentaux. Toutefois, dans certains cas, les prêtres qui aident à nourrir les pauvres ont été accuse de faire partie d’« organisations gauchistes » et de « faire mauvais usage » de la distribution d’aide alimentaire dans le but de recruter des personnes pour faire campagne contre le gouvernement. Certains prêtres ont même été arrêtés sous ce prétexte.
Il y a environ 4.5 millions de sans-abris aux Philippines sur une population d’environ 106 millions ; à peu près 3 millions d’entre eux vivent à Manille d’après l’Office des Statistiques des Philippines. Leurs principales sources de revenus incluent la mendicité et la collecte et revente de morceaux de plastique et de métal. Bien que le gouvernement ait officiellement fourni des refuges temporaires pendant la pandémie, FI a reçu un rapport selon lequel un nombre important de sans-abris se déplace toujours dans la ville pendant le confinement, cherchant du travail ou de la nourriture pour survivre. À travers plusieurs témoignages, des personnes vivant dans la pauvreté ont déclaré être plus susceptibles de mourir de faim que de la COVID-19.
Une fois encore, l’exemple des Philippines n’en représente qu’un parmi de nombreux autres. Des situations similaires ont été signalées dans d’autres pays, tels que la République Démocratique du Congo, où notre partenaire est préoccupé par le fait que la faim puisse, dans les régions les plus pauvres, causer plus de décès que le virus. Au cours des dernières semaines, un certain nombre d’articles ont été publiés démontrant que les pauvres sont plus susceptibles d’être affectés négativement par le virus en raison de la prévalence de problèmes de santé chroniques parmi eux, qui leur fait courir un risque plus élevé de développer des formes graves de la maladie. Un statut socioéconomique précaire fait partie des trois facteurs de risque pour la COVID-19, de même qu’un âge avancé et des problèmes de santé préexistants. Cela a déjà été observé concrètement dans différents pays, dont l’Espagne et les Etats-Unis.10 Comme l’a énoncé la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme dans son discours du 9 avril: « L’épidémie a souligné la nécessité d’accroître nos efforts pour veiller à ce que tout le monde, y compris les plus vulnérables, bénéficie du développement. »
Les effets disproportionnés de la pandémie ne sont pas seulement liés aux inégalités dans un même pays, ils soulèvent également le problème des inégalités flagrantes entre les pays, à la fois au niveau mondial et au sein d’une même région. Comme l’a écrit notre partenaire du Vanuatu : « Nous avons seulement deux respirateurs dans un pays de 307.145 personnes ». De même, les capacités des systèmes de santé publique en Afrique sont en général trop limitées pour absorber une pandémie. Toutefois, ces capacités varient radicalement d’un pays à l’autre. Ceci, associé avec d’autres facteurs extérieurs tels que la densité des zones urbaines et la situation des personnes déplacées, augmente les inégalités entre pays de la même région.
La Banque Mondiale estime qu’en conséquence de la crise de la COVID-19, « [L]e nombre de personnes vivant dans une pauvreté extrême se situera entre 40 et 60 millions. Dans le scénario le plus pessimiste, la pauvreté mondiale en 2020 sera proche des niveaux de 2017 – c’est à dire que les progrès mondiaux vers l’éliminations de la pauvreté extrême observeront un recul de trois ans. »
Tout comme la pauvreté est liée à d’autres problématiques de droits de l’homme, la justice environnementale l’est également. Tous deux sont fortement entremêlés, comme l’a récemment souligné le Rapporteur Spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et de l’environnement, « [L]a détérioration accélérée de l’environnement [va] avoir des effets négatifs sur un large éventail de droits, y compris le droit à la vie, à la santé, à l’eau, à la culture, et à la nourriture (…). Les personnes vivant dans des régions ayant expérimentées de plus haut niveaux de pollution atmosphérique sont confrontées à un risque accru de décès prématuré lié à la COVID-19. De la même façon, l’accès à l’eau potable est essentiel pour prévenir la contraction et la propagation du virus (…). La pandémie mondiale met en lumière l’importance vitale d’un environnement sûr, propre, sain, et durable. » Cela a été signalé par exemple aux Etats-Unis, où les maladies chroniques telles que l’asthme, qui rendent la COVID-19 plus meurtrière, sont davantage présentes chez les minorités ayant des faibles revenus.
Changement climatique, justice environnementale, et la COVID-19
Ainsi que l’a souligné FI dans sa première déclaration, un certain nombre de personnes haut placées à l’ONU ont attiré l’attention sur les liens entre la destruction de l’environnement et la COVID-19. La Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme a déclaré, le 9 avril, que « [L]a protection de l’environnement, en préservant la biodiversité, constitue le meilleur moyen de protéger la santé et le bien-être humains, y compris contre les pandémies. La dégradation de l’environnement et la perte de la biodiversité créent les conditions propices aux zoonoses transmises de l’animal à l’homme, qui ont causé à maintes reprises de graves épidémies. »
Le Secrétaire Général de l’ONU en personne a fait plusieurs déclarations claires, y compris à l’occasion du Jour de la Terre, 18 énonçant six points d’actions pour un monde post-COVID-19 ‘plus vert’. Il a également incité les Etats à respecter leurs engagements d’ambitions accrues pour la réduction des émissions carbones et à renouveler leurs Contributions Déterminées au Niveau national. A cet égard, comme l’a écrit notre partenaire du Vanuatu au sujet de la double catastrophe de la COVID-19 et du cyclone tropical Harold : « C’est un avertissement pour nous rappeler que la crise climatique ne ralentit pas malgré la pandémie COVID-19. »
En parallèle de ces importantes demandes, FI et ses alliés de la société civile travaillant sur le changement climatique et les droits de l’homme, et plus généralement pour une justice environnementale, sont extrêmement préoccupés par les actions et omissions étatiques nuisibles. Ces préoccupations sont partagées, entre autres, par le Rapporteur Spécial de l’ONU sur les droits de l’homme et de l’environnement, lequel a déploré qu’au lieu d’intensifier leurs actions environnementales et climatiques, « [U]n certain nombre de gouvernements a annoncé qu’ils abaissent leurs standards environnementaux, suspendent les exigences de contrôle environnemental, réduisent l’exécution des mesures environnementales, et restreignent la participation publique. » Cela a été particulièrement le cas aux Etats-Unis.
À cet égard, FI a été à nouveau informé par des partenaires de son réseau que l’extraction manière continue en tant qu’activité ‘essentielle’ dans de nombreux pays et que les activités d’extraction illégale ont augmentées en raison des capacités réduites de surveillance et de contrôle des autorités et populations concernées. Au Venezuela, le gouvernement promeut l’extraction minière dans des régions de l’Amazone qui sont à la fois vitales et fragiles sur le plan environnemental. En Afrique du Sud, le gouvernement a amendé la loi sur la Gestion des Catastrophes afin de permettre aux entreprises minières d’accroître de 50% leur capacité de production pendant le confinement national.
De façon similaire, des collègues du Brésil ont rapporté que, bien que les prix des matières premières pour les minéraux ont baissés, les entreprises minières souhaitent conserver des niveaux de productions égaux, faisant courir un risque à leurs travailleurs et aux communautés voisines. Cela est particulièrement le cas dans les zones où les mines sont isolées, avec peu d’infrastructures et de services, loin de la surveillance des autorités environnementales. Pour couronner le tout, les entreprises minières au Brésil se vendent en tant qu’activités sûres et essentielles en faisant œuvre de charité dans les hôpitaux et en présentant cela comme leur contribution à la réponse à la crise de la COVID-19.
Le contexte et les conséquences de l’extraction minière au cours de cette pandémie illustrent l’incohérence, le cercle vicieux, et les problèmes structurels qui, s’ils ne sont pas résolus, vont nous entrainer vers la prochaine crise.
Ceci est également vrai en ce qui concerne le changement climatique maintenant que les conferences internationales majeures sur le climat et l’environnement ont été reportées. En raison des mesures de confinements mises en place en réponse à la pandémie COVID-19, les activités économiques mondiales ont ralenti d’une façon sans précédent. Des images satellites montrent l’amélioration inhabituelle de la qualité de l’air dans de nombreuses grande villes et zones industrielles de par le monde. Au cours de la dernière décennie, la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) s’est efforcée à convaincre ses Etats Membres de réduire leurs émissions de façon drastique, sachant que sans changement la température de la Terre augmentera d’une telle façon qu’il sera impossible de s’en remettre. Nous ne devons pas oublier que l’Organisation Météorologique Mondiale, dans son dernier rapport ‘Etat du Climat Mondial 2015 – 2019’, a noté une augmentation continue des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et une accélération de l’augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique, avec un taux de croissance 20% supérieur qu’au cours des cinq années d’évaluation précédentes.
Bien que nous puissions espérer que l’amélioration de la qualité de l’air pendant la période de confinement dû à la COVID-19 puisse encourager la poursuite des actions qui nous sortiront de notre crise climatique, dans l’ensemble il est peu probable que cela ait un impact significatif. La pollution atmosphérique pourrait même augmenter à des taux plus élevés que prévu puisque les secteurs économiques cherchent à se remettre rapidement sur pied.
Pendant la crise économique de 2007 – 2008, la pollution atmosphérique a baissé de 1.4% dans le monde, mais a augmenté de 5.9% en 2010, tandis que l’économie se remettait. Au cours du confinement causé par la COVID-19 en Chine, il était estimé que les émissions de carbone ont chute d’approximativement 25%. Cependant, de nouvelles données montrent que la pollution atmosphérique est revenue aux niveaux pré-confinement, soulevant la possibilité que certaines industries ont augmenté leur production pour rattraper le temps perdu.
Plusieurs Etats ont récemment utilisé la COVID-19 comme excuse pour éviter de mettre pleinement en œuvre leurs politiques environnementales, lesquelles sont pourtant escomptées en tant que faisant partie de leurs efforts pour réduire les émissions. Par exemple la Pologne, l’un des principaux producteurs de charbon en Europe, a demandé à l’Union Européenne (UE) d’abandonner son Système d’Echange de Quotas d’Emission, ou d’en exempter le pays, afin qu’il puisse utiliser ces fonds pour combattre les effets de la crise sanitaire. Le système d’échange de quotas d’émission de l’UE fait partie des efforts européens pour combattre le réchauffement climatique. La République Tchèque a également demandé à l’UE d’abandonner son Pacte Vert afin de se concentrer davantage sur sa réponse à la COVID-19. Actuellement, l’UE débat de l’adoption du Pacte Vert, lequel demande à ses membres d’atteindre une émission de gaz à effet de serre nette zéro d’ici 2050.
Tenant compte de la divergence de situation entre les personnes haut placées de l’ONU et les diverses réalités nationales, FI présente les conclusions et appels à l’action suivants.
Recommandations / Appels à l’action
Au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU et à ses Procédures Spéciales
Nous reconnaissons et saluons toutes les contributions faites par les spéciales procedures jusqu’à présent, mettant en garde les Etats Membres et la communauté internationale au sujet des menaces pour, et des violations des droits de l’homme dans le cadre de leurs
mandats respectifs, et proposant des conseils et recommandations.
Nous reconnaissons et saluons également la déclaration faite le 26 mars 2020 par 60 titulaires de mandat des procédures spéciales de l’ONU qui ont unis leurs forces en affirmant le droit, sans aucune exception, aux interventions de premiers secours.
Toutefois, nous estimons que la situation requiert une réponse fournie par l’ensemble du système, et nous encourageons davantage d’actions coordonnées et une augmentation du travail commun des Procédures Spéciales. Leurs conclusions, conseils et recommandations
devraient être systématiquement rassemblés et diffusés au sein du système des Nations Unies ainsi qu’auprès des Etats, en particulier par le biais des équipes pays des Nations Unies, afin de les rendre opérationnels.
Les conseils des Procédures Spéciales devraient être pris en compte par les Etats à l’étude lorsqu’ils élaborent leurs rapports pour l’Examen Périodique Universel (EPU), y compris les rapports de mi-parcours. Ces conseils devraient également être pris en compte par les Etats chargés de l’examen, les acteurs de l’ONU, et autres parties prenantes au cours du processus du EPU à venir, lorsqu’ils évaluent la conformité des mesures nationales sur la COVID-19 avec les droits de l’homme.
De plus, certains acteurs ont demandé au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU de tenir une session spéciale. Si une telle session est tenue dans les mois à venir, ou toute autre session du Conseil, les circonstances exceptionnelles auxquelles nous faisons face ne devraient pas supposer de facto une participation diminuée de la société civile, y compris à travers leurs contributions et déclarations.
Quelle que soit la situation, toute action et mesure à venir du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, y compris, comme suggéré par son Président à propos des compte-rendu oraux de la Haute-Commissaire des Nationaux Unies aux Droits de l’Homme pour les deux prochaines sessions et du futur rapport sur la COVID-19 et les droits de l’homme qui sera présenté à sa 46ème session, devra exprimer clairement que les droits de l’homme ne peuvent être ni un ajout ni un simple élément rhétorique, comme cela avait été le cas au cours de la crise financière de 2007 – 2008.
Par conséquent, le Conseil des Droits de l’Homme doit renforcer le mandat du Bureau du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDC) et lui donner les moyens nécessaires pour qu’il joue un rôle fondamental au sein de chaque mécanisme interinstitutionnel mis en place (voir ci-dessous).
Au autres organismes de défense des droits de l’homme des Nations Unies
Nous incitons également le reste du système de protection des droits de l’homme de l’ONU à réagir et à donner à cette crise l’attention qu’elle mérite, en traitant à la fois de ses effets directs et des problèmes structurels qu’elle a mis en lumière et exacerbés dans l’ensemble des pays du monde.
À cet égard, les réunions des Organes de Traité des Nations Unies doivent être assurées, même de façon virtuelle, aussi longtemps que nécessaire pour garantir la participation aux examens périodiques. Les Nations Unies doivent être flexibles concernant les dates butoirs et les formats, et accepter les informations additionnelles, en particulier celles provenant de la société civile, à propos des effets de la pandémie sur les droits protégés en vertu de leurs traités respectifs.
À l’ensemble du système des Nations Unies
Nous reconnaissons et saluons les diverses déclarations délivrées par le Secrétaire Général de l’ONU, telles que son document de politique générale sur la COVID-19 et les Droits de l’Homme, sa déclaration à l’occasion du Jour de la Terre, ainsi que la création d’un Fonds d’Intervention et de Rétablissement pour la COVID-19.
De même qu’au cours des crises précédentes, la création d’entités opérationnelles et / ou de financement, qui devraient garantir un travail interinstitutionnel et des réponses coordonnées, est importante. Toutefois, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU et ses Membres devront s’assurer que cette coordination et capacité d’action des diverses agences ne place pas les droits de l’homme sur la touche, mais qu’au contraire elle les intègre pleinement, démontrant ainsi que le HCDC peut effectivement remplir son rôle.
Nous incitons également les Etats Membres, ainsi que les Nations Unies elles-mêmes, à tirer des enseignements de cette crise et les prendre en considération tandis qu’ils œuvrent au futur des Nations Unies, y compris concernant l’architecture institutionnelle nécessaire pour faire face à de telles crises, pour les prévenir de façon adéquate, et pour mieux les résoudre. Cela devrait avoir un impact sur les réformes de l’ONU à venir, dirigées vers une meilleure articulation et coordination entre les droits de l’homme, le développement, et la paix, où les droits de l’homme joueraient un rôle fondamental, conformément à l’Appel à l’Action pour les Droits de l’Homme du Secrétaire Général de l’ONU.
La revendication première de FI reste en faveur de l’augmentation de la cohérence des politiques, en conformité avec les droits de l’homme. Alors que nous sommes témoins de l’appel croissant, en particulier par les personnes haut placés de l’ONU telles que le Secrétaire Général des Nations Unies et la Haute-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme, selon lequel l’Agenda 2030, ses Objectifs de Développement Durable (ODD), et son principe fondamental de « ne laisser personne de côté » sont actuellement nos meilleurs outils, FI souligne que le lien effectif avec les normes de droits de l’homme concernées doit encore être réalisé. Si les Etats continuent à ignorer les normes de droits de l’homme et les principes tels que la responsabilité et l’état de droit, il n’y aura pas de responsabilité pour le progrès, ou plutôt l’absence de progrès, vers l’ODD 1 d’élimination de la pauvreté ou l’ODD 6 d’accès à l’eau potable pour tous. Si les Etats continuent à déléguer au secteur privé les mesures pour la réalisation des ODD, tout en échouant à tenir les entreprises pour responsables de leur comportement en matières de droits de l’homme ou des obstructions aux operations de l’ONU cherchant à éliminer de telles impunités, les services publics continueront à être démantelés, inaccessibles à tous, et incapables de répondre aux chocs futurs. Si l’ODD 8 et son aspiration à une augmentation de la « croissance économique » ne sont qu’un autre
prétexte pour agir comme si de rien n’était, poursuivre le ‘business as usual’ et continuer avec le même modèle de développement économique qui est encore fortement dépendant d’industries non-durables et de l’extractions de ressources naturelles, alors l’Agenda 2030 ne sera d’aucune aide.
Enfin et surtout, alors que la COVID-19 engendre une crise grave dans un monde qui fait déjà face à la menace du changement climatique, elle montre également que les Etats peuvent agir quand ils y sont contraints. En 2020, les Etats parties à l’Accord de Paris sur le Changement Climatique devraient soumettre leurs Contributions Déterminées au Niveau national (en anglais, NDCs) actualisées et révisées. Toutefois, à compter d’avril 2020, seuls 10 Etats l’ont fait. Tout en reconnaissant les effets graves qu’entraîne la COVID-19 à tous les niveaux, cela ne devrait pas être utilisé en tant qu’excuse par les Etats pour échapper à leur obligation juridique d’accroitre leur ambition de maintien de la température mondiale moyenne bien en dessous des 2°C d’augmentation par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle. Cela ne devrait pas non plus constituer une excuse pour abandonner les efforts de limitation de l’augmentation de la température à 1.5°C au dessus des niveaux préindustriels, ou d’éviter les effets irréversibles causés par leur échec. Les mesures d’action climatiques, au sein des NDCs renouvelés et actualisés, devraient inclure de mesures de protection sociales et environnementales basées sur les droits de l’homme; assurer un accès à l’information et à la participation publique ; et garantir un mécanisme de plainte indépendant, équitable, accessible, légitime, fondé sur les droits de l’homme, et transparent.